Cinq semaines de fermeture, cinq joyaux à soumettre à votre appréciation émérite.
A tout seigneur tout honneur, nous commencerons par le blues. Et par la même occasion, assumerons les contradictions inhérentes à la fonction de catalogueur fou (spécimen de bibliothèque plongeant dans une prudente expectative les meilleurs entomologistes).
Premier exemple : nous avons classé Roland Tchakounté, Camerounais du delta du Mississippi et du lac Michigan de par ses ascendants artistiques, au rayon Musiques du monde. Pourquoi ? nous direz-vous. Parce que, vous répondrons-nous. Moins arbitrairement, Tchakounté crache sa colère électrique ou susurre sa nostalgie acoustique en bamiléké, la langue de ses origines. Dans l’un ou l’autre registre, c’est bien de l’Afrique qu’il est question sur « Ndoni », et des raisons de l’aimer, de l’aider, de la rêver, ou de lui botter le cul.
De Nicolas Repac, on s’est résigné (!?) à ne plus proférer tiens-on-ne-l’attendait-pas-là, magnifique poncif fort prisé de la presse spé. Ce génial touche-à-tout est définitivement ubiquiste, qu’on se le dise ! Et « Black box » est son grand œuvre, qu’on se le braille. Sous-tendue par la figure d’Alan Lomax, autre fondu notoire des cultures nègres, la musique fait constamment l’aller-retour entre deux continents pour mieux les rapprocher. Maniant, et mariant en parfait équilibre, l’émotion brute des work songs originelles, et les architectures sonores élaborées d’un orfèvre en la matière –qui ne sont pas sans évoquer en deux ou trois occasions le meilleur de RZA, l’âme (damnée ?) du Wu-Tang Clan.
C’est indiscutablement du blues, et vous le trouverez facilement, dans la section Musiques électroniques. Pourquoi ? Parce que, bien évidemment.
La troisième balle de break, on vous la fait en passing shot et à La Roulette Rustre. 2 filles, 2 garçons, et 22 instruments paraît-il, qui vous offrent tout à la fois « Un peu d’air » et de l’espace. Un gigaoctet précisément, sur le zigouigoui USB en forme de clé (des chants) accompagnant le cd. Pas notre exemplaire en prêt, soit dit en passant, donc achat vivement recommandé. Ce n’est pas du blues, plutôt du rock, parfois électro, souvent poétique, totalement universel, et nous le rangerons donc en chanson française. En toute logique… n’est-ce pas ?
Mr Day fut un, et sont aujourd’hui cinq –ça va, vous suivez toujours ? Eric Duperray , fondateur du groupe, redoutable activiste et chef de gang aux états de services parfaitement respectables, est tombé tout jeune dans la deep house. Il en est resté imprégné de cette bonne vieille soul toute poisseuse, celle qui colle si bien à l’âme et aux doigts que « Dry up in the sun » est à vos risques et périls. Quant à eux, ils contournent élégamment l’obstacle du plagiat, mêlant nectar Motown-Stax et friandise pop sixties avec une rare détermination dans le dosage.
Bravo, vous avez deviné ! Ce n’est pas complètement de la soul. Soit un bon motif pour l’étiqueter ainsi, et pi c’est tout. Non mais !
Avec tout le respect dû à Madonna pour l’ensemble de son œuvre (hem…), on lui préfère nettement Ry Cooder dans le rôle du dézingueur rigolard de rednecks. Voyez la pochette : « Election special », proclame une star-spangled banner à faire frémir la tripe républicaine hillbilly. On sait que le bonhomme, vieux cheval de retour s’il en est, pourrait nous vendre n’importe quoi armé de sa seule six-cordes. Il a ici le bon goût d’agrémenter son jeu imparable d’une vision pour le moins distanciée du rêve américain, et de certains de ses avatars du style Mutt (littéralement : cabot, clébard) Romney, cible soigneusement alignée du premier titre de l’album.
Régalez-vous, et pourquoi pas un sixième pour la route ? Nombre de commentateurs zavizés, dont certain(e)s se planquent parmi nous, ont consommé avec modération le « Following sea » de dEUS. Inégal, disparate, fleurant pas bon la chute de studio, et tutti quanti… Certes, mais c’est Deus, merde. Et Tom Barman. Et Anvers. Et contre tous. Voilà.